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Du côté de Clio

Dicen que me case yo

28 Juillet 2014, 15:56pm

Dicen que me case yo

La féminité vue par Silvia Molina

Dicen que me case yo, de Silvia Molina (1989)

Dicen que me case yo est le second recueil de nouvelles écrit par l'auteure mexicaine. Il contient 17 nouvelles réparties en deux parties : Lides de estaño et Dicen que me case yo, entrecoupées par un intermède : Juego de muñecas. Ce petit entre-deux se compose de 7 courts récits de quelques lignes sur le thème des poupées (poupée biblique, médiévale, de la renaissance, maléfique, poupées chinoises, russes et poupée de chair et d'os). Toutes les nouvelles (à l'exception de Palomas y cuerpos en el espacio / Colombes et corps dans l'espace) nous présentent un personnage féminin quelques fois nommé, d'autres fois anonyme qui souvent nous raconte son histoire à nous qui en sommes les témoins, les confidents. Les protagonistes se trouvent dans l'enfance, dans l'adolescence, ou en pleine maturité, et très souvent se posent des questions à propos de leurs parents, de leur couple (surtout), de leur situation. Situation que chacune et chacun avons déjà expérimenté ou imaginé un jour. Les rapports humains sont montrés comme très difficiles dans ce court laps de temps raconté en seulement quelques pages.

Franchement j'ai retrouvé, après les deux romans lu il y a peu, la Silvia Molina que j'aime et bien plus encore. Les nouvelles sont très bien ficelées et ont l'ambition de donner à voir une image universelle de la féminité. Et c'est plutôt réussi grâce à des couches successives de réalisme. J'ai beaucoup aimé la plupart de ses nouvelles, si ce n'est toutes. J'ai attendu la chute avec impatience, et je suis quelques fois restée sur ma faim, mais j'étais justement contente de ça, comme pour la nouvelle Como agua de lluvia / Comme l'eau de pluie, ou La pulsera / Le bracelet, où est présentée ironiquement une femme qui a peur que son bébé ait été échangé à la maternité avec un autre. Regreso / Retour est très bien constuit ; une femme arrive à Campeche puisqu'un parent est décédé et qu'elle en est l'héritière. Elle se prend de face une sourde muette, puis la retrouve avec joie assez souvent, alors que celle-ci se trouve être l'habitante illégale de la maison héritée : "Permanecí inmóvil. Un sudor frío me recorrió el cuerpo cuando me di cuenta de que la parte más complicada y difícil para mí, se iniciaba en ese momento." "Je restai immobile. Une sueur froide me parcouru le corps quand je compris que le passage le plus compliqué et le plus difficile pour moi commençait à ce moment-là." (p.41)

Un recueil de nouvelles de Silvia Molina tout à fait appétissant !

Extrait de Otoño (Automne) :

"Cuando conocí a Julio no había cumplido aún los veinte años y yo ya tenía un hijo de seis. Se había enamorado de mis arranques de seguridad, de que todo lo encontrara sencillo y divertido, de que lo indujera en nuestras interminables pláticas de café a las tardes de Bergman y de Allen, a las noches de Gurrola y de Ibañez, a los textos de Córtazar y de Onetti, a la música de Mozart o de Debussy. Y yo siempre jugaba a seducirlo con mi delgadez, con mi cara de azoro, con la mirada lujuriosa que escondía tras los anteojos. Sé que no podía dominarse ante mis senos y que lo sacada de quicio con mis bruscos cambios de humor.

Extrañamente Julio iba reconociéndose en mí ; como si de pronto en mí se encontrara. Comenzaba a ampliarse a sí mismo, viéndome.

Yo también lo amé profundamente en esa época en que acababa de divorciarme. Procuraba su presencia para no instalarme en la soledad y en el vacío del fracaso, y me hundía en él hasta que una sensación de muerte lo abatiera." (Edition Cal y arena, 1994, p.34).

"Lorsque j'ai rencontré Julio il n'avait pas encore vingt ans et moi j'avais déjà un fils de six. Il était tombé amoureux de mes élans de sécurité, du fait que je trouve tout simple et amusant, que je le persuade dans nos interminables discussions au café lors des après-midis de Bergman et Allen, lors des nuits de Gurrola et d'Ibañez, dans les textes de Córtazar et d'Onelli, dans la musique de Mozart ou de Debussy. Et moi je m'amusais toujours à le séduire par ma fine taille, avec ma bouille effrayée, avec le regard luxurieux que je cachais derrière mes lunettes. Je sais qu'il ne pouvait pas se contrôler devant mes seins, et que je le mettais hors de lui avec mes brusques changements d'humeur.

Etrangement, Julio se reconnaissait en moi ; comme si soudain en moi il se trouvait. Il commençait à se développer en lui même, en me voyant.

Moi aussi je l'ai aimé profondément à cette époque, lorsque je venais juste de divorcer. Je cherchais sa présence pour ne pas m'installer dans la solitude et dans le vide de l'échec, et je plongeais en lui jusqu'à ce qu'une sensation de mort l'abatte."
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